TikTok ou la guerre sino-américaine en version numérique

Tik-Tok, l’application chinoise est dans le viseur de Washington. Depuis 2020, elle fait l’objet d’une possible interdiction aux Etats-Unis. En effet, Donald Trump accuse ByteDance, la société chinoise à qui appartient TikTok de travailler en étroite collaboration avec le Parti communiste chinois et ainsi surveiller les comptes des quelques 165 millions d’utilisateurs américains. Un nouveau « coup de pression » exercé sur la Chine, après avoir inscrit sur liste noire la firme électronique Huawei en 2019. Qu’en est-il pour TikTok ? Retour sur une série d’évènements politico-économiques.

Tik-Tok : de sa naissance à ses deux milliards d’utilisateurs

Au début, en 2016, l’application Douyin est un réseau social chinois qui offre la possibilité à ses utilisateurs de diffuser des vidéos drôles ou des karaokés que l’on peut stopper pour passer d’une vidéo à une autre. Un an plus tard, en 2017, ByteDance, l’entreprise qui a développé Douyin, souhaite s’ouvrir à l’international. Toutefois, un problème vient contrarier cette stratégie : la société est chinoise. En effet, leurs politiques de données sont différentes du reste du monde et c’est donc un obstacle majeur pour pénétrer les marchés américains et les marchés Européens.

Pour cela, ByteDance rachète, pour un million de dollars, l’application musical.ly déjà implantée aux Etats-Unis et qui possède un bureau en Californie et il la rebaptise TikTok. L’application qualifiée de réseau social et basée sur la création de vidéos, elle est similaire à la version chinoise Douyin. Au fil des années TikTok séduit les jeunes, âgés de 16 à 24 ans, par son concept novateur de création de vidéos qui offre de nombreuses fonctionnalités musicales et autres effets spéciaux. Ces vidéos doivent durer entre 15 secondes et une minute et sont toujours au format vertical, correspondant aux écrans des smartphones. TikTok devient le concurrent direct de Snapchat et d’Instagram. Le succès est au rendez-vous.

Le succès appelle les problèmes

Qui dit succès dit problème. Tik Tok interpelle Washington et fait rapidement l’objet d’une enquête auprès des sénateurs américains qui voient un lien direct entre ByteDance et le gouvernement chinois. La société dément en expliquant que ses serveurs numériques sont hébergés hors de Chine, ce qui est véridique, et que ses filiales sont aussi basées à l’étranger.

le président américain accuse Tok Tok d’être utilisée par le renseignement chinois pour surveiller la population américaine.

Le Gouvernement de Trump sceptique reste formel en y voyant une alliance légale entre la société qui exploite TikTok et le pouvoir chinois. En effet, si ByteDance est sollicitée par la Chine, cette dernière devra partager les données personnelles des utilisateurs, dont celles concernant les américains. De plus dans les conditions d’utilisation de ByteDance, un paragraphe stipule : « Nous pouvons partager vos informations avec d’autres membres, filiales ou sociétés affiliées à notre groupe de sociétés, si cela s’avère nécessaire pour fournir la Plateforme. » ; y compris celles basées en Chine.

Donald Trump attaque

En 2019, l’entreprise de téléphonie mobile Huawei avait été pénalisée et inscrite sur une liste noire lui interdisant ainsi de collaborer avec les entreprises américaines. Fin juillet 2020 Donald Trump annonce l’interdiction de l’application TikTok. Cette interdiction doit prendre effet début août. Mais Donald Trump revient sur sa position en annonçant que l’application aux Etats-Unis doit être rachetée par une entreprise américaine.

Si au départ la décision du président des Etats-Unis a été de supprimer définitivement l’application il revient finalement sur cette décision pour proposer une alternative à ByteDance. Pour que cette application puisse continuer à être utilisée sur le sol américain, la filiale américaine de TikTok doit être vendue à une entreprise américaine avant le 15 septembre 2020.

Les entreprises désignées pour le rachat seraient Twitter ou Microsoft. La société de Bill Gates qui est pour l’instant la mieux placée pourrait racheter les activités de TikTok aux Etats-Unis, mais aussi celles du Canada et de l’Océanie à savoir l’Australie et la Nouvelle Zélande. Dans le reste du monde, le droit reste à ByteDance.

Microsoft, l’entreprise de Bill Gates, pourrait racheter la branche américaine de TikTok © logo Microsoft Corporation

Passée la date du 15 septembre et ne donnant pas de suite à ces accords, TikTok verra ses opportunités commerciales s’amenuiser et sera retirée de l’AppStore et Google Play, pour ne citer qu’eux, un destin similaire à celui du géant Huawei. Pour Pékin, les motivations de Washington sont différentes et le porte-parole du ministère des Affaires Etrangères chinois annonce que : « La vraie raison (des États-Unis) est que ces sociétés sont chinoises et leaders de l’industrie. »

TikTok, un prétexte politico-économique ?

L’objectif principal du gouvernement Trump est de chercher à rétablir un équilibre et ainsi de séparer définitivement les activités américaines de celles de la Chine. Une alternative trouvée pour bloquer un éventuel canal de transmission des données américaines récupérées par les chinois.

Le second objectif potentiel est d’ordre économique pour faire de TikTok une application non plus exclusive mais sino-américaine.

TikTok sous pression…

Rappelons que le destin de l’application TikTok est fixé pour le 15 septembre 2020. Son destin repose soit sur le rachat de la filiale aux Etats-Unis ou bien sur une interdiction formelle sur le sol américain. Notons que la privation du marché américain pour TikTok est le risque potentiel de se voir bannir du marché européen, ce qui entraînerait une chute vertigineuse de sa valeur en bourse.

Pour protéger ses concitoyens Donald Trump met la pression à la Chine en s’en prenant au numérique : après TikTok ce sera au tour de WeChat, l’application la plus utilisée sur le continent asiatique. Mais l’heure est encore aux négociations d’achat.

La Chine n’a pas dit son dernier mot

En ce début du mois de septembre 2020, le gouvernement chinois vient d’annoncer de nouvelles règles. Dorénavant les entreprises chinoises qui souhaitent exporter leur technologie à l’étranger devront avoir besoin de l’accord du gouvernement chinois. Ainsi ByteDance, l’entreprise concernée, pourrait se voire refuser la revente de sa filiale américaine à une société telle que Microsoft. Les conséquences pourront être catastrophiques car si la branche US n’est pas rachetée par une entreprise telle que Microsoft, Donald Trump prendra les mesures annoncées et ainsi pourrait bannir l’utilisation de TikTok sur son territoire. Une guerre commerciale sino-américaine qui ne fait que commencer.

Oracle en position de leader et une décision finale qui tarde…

Alors que Microsoft semblait bien partie pour racheter la branche américaine de TikTok, ByteDance, la société mère, a cependant affirmé qu’il ne vendrait pas à la firme de Bill Gates, selon un communiqué. Le droit de rachat reviendrait à Oracle. Ainsi, la compagnie deviendrait ainsi « partenaire technologique de confiance », selon un article publié début septembre 2020 dans The Wall Street Journal. Le 19 septembre, l’application Tik-Tok annonçait qu’elle avait préparé un accord entre Oracle, partenaire technologique, avec 12,5% des parts et WallMart, qui serait partenaire commercial et rachèterait, quant à elle, 7,5% des parts. Donald Trump, ayant donné son feu vert, aurait déclaré : « J’ai donné mon approbation à l’accord. S’ils le concrétisent tant mieux. Si ce n’est pas le cas, ça ira aussi. »

Toutefois, le sort de TikTok repose entre les mains d’un magistrat à Washington, Carl Nichols. Ce dernier devait prononcer le 27 septembre dernier, si l’application TikTok doit continuer ou être suspendue sur le sol américain. Une décision qui tarde à venir, car ce dernier a reporté à 45 jours, soit le 12 novembre 2020 prochain, sa décision. Si l’application est retirée des plateformes de téléchargement d’applications pour smartphone, ce bannissement pourrait causer des « dommages irréparables » selon ses mots.

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