Y a-t-il un lien entre les prévisions économiques et les actes terroristes ?

Les banques centrales ainsi que les institutions internationales utilisent les prévisions économiques, notamment celles d’inflation, de production, de taux d’intérêt, et de taux de change, afin de décider, analyser, et anticiper.

Les comités de politique monétaire de la plupart des banques centrales demandent et reçoivent ces prévisions essentielles avant de décider, entre autres, du taux d’intérêt directeur pour la période à venir. Certains décident d’ailleurs de ne pas surprendre les marchés tandis que d’autres veulent surprendre. Sachant que la surprise est définie par l’écart entre la décision de politique monétaire et la prévision du taux d’intérêt, c’est dire à quel point ces prévisions sont importantes.

Autre exemple, si les marchés ou les prévisionnistes professionnels prédisent une baisse de l’inflation à trois mois en dessous de la cible d’inflation fixée par la banque centrale mais que celle-ci choisie tout de même d’augmenter ses taux directeurs sur cette base (surprise), voilà un outil important à disposition des décideurs qui se doit d’être passé au peigne fin.

En effet, ces prévisions, généralement issues de deux sources (marchés ou experts), peuvent subir de substantielles déviations (en termes d’erreur ou de capacité prédictive) à la suite d’événements susceptibles d’influencer la perception des agents économiques (intervenants de marché ou prévisionnistes). Ces événements sont généralement liés au système financier ou économique (annonce majeure, risque etc.) mais il s’avère que les événements politiques influencent de manière non négligeable ces prévisions. De la mort d’un premier ministre (rare) au flot d’actes terroristes (parfois fréquent), il n’y a qu’un pas avant de tester l’influence de la terreur sur les prévisions d’inflation ou de taux de change… Deux des variables les plus importantes en Israël, petite économie ouverte ciblant l’inflation.

Il est important de rappeler que de nombreuses recherches, menées en Irlande du Nord, Pays Basque, et Israël, ont montré que les événements terroristes n’ont pas ou peu d’impact sur l’économie réelle si ils ne sont pas réguliers et d’ampleur « suffisante ». Mais ce qui nous intéresse n’est pas vraiment l’économie mais plutôt les prévisions que l’on en fait. Car il faut bien l’avouer, modifier une prévision est bien plus aisé que de changer une variable macroéconomique. La prévision est reliée au sentiment, à la perception des agents, et même parfois à la sur-réaction de ces derniers lorsque l’on parle de marchés financiers. Car la différence entre le rendement d’une obligation d’état non-indexée de maturité 1 an et le rendement d’une obligation d’état indexée sur l’inflation de maturité 1 an donne une bonne prévision issue des marchés à un an de l’inflation, appelée breakeven inflation pour les connaisseurs. Pour ceux qui ont encore du mal avec la notion d’inflation, relisez notre article ici.

Le comportement des agents est donc influencé à chaque période par un événement communiqué publiquement et change ainsi sa perception future de l’économie. Ce changement, souvent à chaud et atténué avec le temps et l’évaluation des conséquences économiques que l’acte terroriste aura sur l’économie (réelle), peut intervenir avant, par exemple, une décision de politique monétaire. Que faire ?

Si vous êtes gouverneur d’une banque centrale, que vous devez décider du taux d’intérêt à venir, et que quelques temps avant plusieurs actes terroristes ont modifié les capacités prédictives de vos meilleurs indicateurs de prévision de l’économie, comment décider ? Qui choisir, indicateur issus des marchés ou des experts ?

A l’aide de méthodologies économétriques récentes, la recherche économique et économétrique de ce sujet montre que la baisse de capacité prédictive des prévisions issues des marchés est plus forte en période de terreur que celle des prévisions issues des prévisionnistes. Une période de terreur peut-être est définie par le nombre de blessés, d’actes terroristes, de morts, etc.

Et cela se comprend aisément lorsque l’on parle avec des prévisionnistes : ils ont de l’expérience, ils savent ne pas (ou moins) sur-réagir comparativement aux marchés financiers.

Qu’en est-t-il de l’influence de l’incertitude des marchés financiers sur ces deux sources de prévision ? Les résultats de cette recherche montrent que les actes terroristes influencent autant la prévision en elle-même que les primes de risque qui les accompagnent, et que la volatilité des marchés actions, taux de change ou commodités ne permet pas de mieux expliquer que la terreur la baisse de capacité prédictive de ces indicateurs dans le temps.

La terreur, facteur influençant substantiellement les prévisions d’inflation et de taux de change, doit donc être prise en compte par les institutions monétaires et financières avant toute interprétation de ces prévisions menant à des décisions de politique économique ou monétaire.

A l’heure des nombreux débats entourant et liant la terreur et l’économie, ce papier, en Anglais, nous a interpellé par son intéressante contribution. A lire.

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