Accords de Bâle: des accords de réaction plutôt que d’anticipation

Les Accords de Bâle sont au cœur de l’actualité financière car ils doivent permettre de réguler le système bancaire et d’éviter à moyen terme un impact des banques trop important sur l’économie mondiale. Ce sont des accords de réglementation bancaire (ce ne sont pas des directives) et sont élaborés par le Comité de Bâle (Suisse).

Bâle I : les premiers pas de la réglementation
La déréglementation des années 80 dans les principaux pays de l’OCDE a été suivie en 1988 par les accords de Bale I qui imposaient aux banques un ratio de solvabilité : le Ratio de Cooke. Ce ratio impose aux banques un ratio minimal de 8% de leurs fonds propres par rapport à l’ensemble de leurs engagements de crédits. De plus, ces accords imposaient aussi un ratio de fonds propres purs c’est-à-dire un ratio qui ne prend pas en compte en compte les quasi fonds propres mais seulement le core tier one, le core tier two et le core tier three. Ce ratio devait être supérieur à 4% des engagements de crédit des banques.

Ces deux ratios avaient pour objectifs d’éviter que les banques n’abusent des quasis fonds propres car une banque peut se retrouver en faillite aussi bien avec le risque de marché qu’avec le risque de crédit. Le principal problème de Bâle I réside dans la pondération des coefficients de pondération qui ne prennent pas en compte les différentes spécificités des entreprises et des pays. Il existait quatre grands types de pondération : 100% lorsqu’il s’agissait d’une institution privée (entreprise par exemple), 50% lorsqu’il s’agissait d’un crédit garanti par une hypothèque, 20% lorsqu’il s’agissait d’une contrepartie international ou d’un état ne faisant pas partie de l’OCDE et enfin, 0% pour les états de l’OCDE.

Le problème sous-jacent de cette pondération est qu’une grande entreprise doit pondérer ses coefficients de la même manière qu’une petite entreprise alors que le risque de défaut est plus faible pour la grande entreprise et à l’inverse, les nouveaux pays de l’OCDE possèdent la même signature que les anciens alors que le risque de défaut de ces pays est plus important.

Bâle II : introduction des risques opérationnels et son caractère pro-cyclique
Les deux ratios de solvabilité ne changent pas sous Bâle II mais ils sont accompagnés par trois piliers fondamentaux : la redéfinition des ratios de solvabilité, une amélioration de la supervision (par exemple, création de l’Autorité du Contrôle Prudentiel (ACP) en France) et la discipline de marché (transparence de l’information).

Sous Bâle II, trois modèles sont offerts aux banques :
– Le modèle standard : ce modèle ne tient pas compte du profil de risque de chaque banque ni de ses caractéristiques ce qui posent des problèmes sur les écarts réglementaires et sur le rôle des agences de notations.
– Le modèle interne de base : c’est un modèle élaboré par la banque et qui ne prend pas en compte tous les paramètres de la banque.
– Le modèle interne avancé : modèle interne qui prend en compte tous les paramètres de la banque.

Nous avons pu constater que les grandes banques utilisent un modèle interne avancé et que les petites banques un modèle interne de base. Ces modèles sont notés par l’ACP en France. Ces modèles prennent aussi en compte les risques opérationnels (Jérôme Kiervel, dysfonctionnement informatique) et donc Bâle II prend en compte trois types de risque : risque de marché, risque de crédit, et risque opérationnel.

Le principal problème de Bâle II réside dans son caractère pro-cyclique : en période d’expansion, on augmente les fonds propres (baisse des coefficients) alors qu’en période de récession les risques de défaut sont plus importants et donc les engagements vont augmenter (hausse des coefficients) ce qui va faire baisser le ratio globale de solvabilité. Or durant cette période, il faudrait augmenter les fonds propres mais cette hausse n’est pas gratuite et se traduit souvent par une baisse des crédits.

Bâle III : la fin des crises systémiques ?
La crise mondiale a montré les exigences accrus en fonds propres et ces nouveaux accords introduisent pour la première fois un caractère contra-cyclique dans la réglementation. Bâle III se base donc sur l’augmentation des fonds propres purs et sur l’apparition de nouveaux ratios de solvabilité. Le ratio de fonds propres purs prend en compte seulement le ratio de core tier one des banques et est augmenté de 3 points (4% à 7%). Le caractère innovant des accords réside dans la prise en compte du risque de solvabilité des banques.

Bâle III prend donc en compte quatre risques de défaut : le risque de crédit, le risque de marché, le risque opérationnel et le risque de liquidité.

Le risque de liquidité est défini par deux ratios : le ratio de liquidité à court terme, où les actifs à court terme (moins de 30 jours) doivent être supérieurs à un certain seuil (X) aux passifs exigibles à court terme, et le ratio de liquidité à long terme où les actifs à long terme (plus d’un an) doivent être supérieurs à un certain seuil (Y) aux passifs à longs terme.

Le comité de Bâle souhaite que le seuil Y = 120%, donc un plafonnement de la transformation bancaire à 20%. Le problème avec ce plafonnement est de savoir qui finance l’économie à long terme. En effet, les banques ont pour vocation première de financer l’économie en utilisant les dépôts à court terme pour financer les projets à moyen/long terme et on est donc logiquement en droit de penser qu’une diminution de cette transformation pourrait fortement modifier les schémas de financement bancaire actuels.

Bâle III introduit aussi une liste des banques systémiques (29 banques dont la Société Générale, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole) c’est-à-dire des banques qui sont considérées comme Too Big To Fail. Le système de provision dynamique (système ex ante) se traduit par l’ajout d’un cousin contra cyclique c’est-à-dire qu’on va demander aux banques d’augmenter leurs fonds propres purs de 0 à 2.5% suivant la conjoncture des pays ou elles se trouvent afin d’éviter la suralimentation en période de crise et d’améliorer le financement en période de récession.

Actualités sur ces nouveaux accords
Les accords de Bâle III posent deux problèmes : est-ce que ces accords vont être appliqués par tous les pays ? Quid du financement à long terme ? La Zone Euro devrait appliquer Bâle III dès Janvier 2013 alors que le planning officiel prévoit la mise en place de ces accords pour 2019. Néanmoins, face aux problèmes de la zone euro, une mise en place rapide apparaît être une bonne solution pour éviter de nouveaux problèmes.

Par ailleurs, le fait est qu’aujourd’hui seulement 25/6000 banques américaines appliquent Bâle II. Cela pose le problème du free rider. En effet, ces accords sont très contraignants et il est possible que les petites institutions financières aient des difficultés à les mettre en place: il y a donc un risque que le pays à l’origine de la crise des subprimes ne mettent pas en place ces accords. Ensuite, la diminution de la transformation bancaire ne devrait pas modifier le financement des grandes entreprises mais pourraient conduire les PME et les petites entreprises à utiliser un système de financement différent (private equity, Alternext,…) ou à se financer entre elles. Or, aujourd’hui un pays comme la France souffre du manque de PME dans une économie de plus en plus concurrentielle et donc ces accords pourraient devenir un nouveau frein aux PME futures et à la croissance.

Enfin, les réglementations financières ont souvent été suivies par une vague d’innovation dans ce domaine pour contourner la réglementation trop coûteuse (recours aux Hegde Fund, titrisation,…) et donc il serait intéressant de suivre cette évolution : la réglementation a toujours un train de retard sur les marchés…

Maxime Rousseff

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