Avant d’être une décision politique, le Brexit est avant tout la chute d’un tabou : celui de l’immortalité de l’Europe. C’est aussi la première concrétisation d’une idée qui traînait depuis la création même de l’idée européenne : on ne peut pas être forcé à la solidarité ni contraint à la communauté.
Pour la France, le Brexit est aussi une blessure narcissique terrible. Les puddings, y veulent plus être nos copains, ils décident de se casser du groupe, ils sont les premiers à briser l’unité, à choisir le repli plutôt que la solidarité. Le discours de François Hollande porte trace de ce choc idéaliste.
Pour les marchés financiers, c’est la panique. Comme prévu, on a envie de dire.
Même les économistes, dont on sait que la spécialité de certains est de prédire le passé, sont globalement alarmés.
Moi, je dis que la sortie du Royaume-Uni est regrettable et que j’aurai aimé qu’elle ne se passe pas. Mais puisqu’ils nous congédient, je ne vois pas pourquoi on devrait les poursuivre de nos assiduités comme un amant éconduit ayant perdu toute dignité.La France peut aussi penser à tirer son épingle du jeu, sans que ce soit un gros mot ou une situation indécente. Dans notre état actuel, nous ferions d’ailleurs bien de ne pas faire la fine bouche.
Quelques pistes de raisonnements économiques pour nous consoler et réussir à voir le Brexit comme une opportunité. Tout d’abord, et il faut le rappeler à ceux qui croient pouvoir greffer le référendum sur la sortie de l’Europe à nos contrées, le Royaume-Uni ne fait pas partie de la Zone Euro. A court terme, ce Brexit ne devrait pas impacter significativement la valeur de l’Euro. Le taux de change EUR/USD évolue depuis Janvier 2015 entre 1,05 et 1,15. Si certains peuvent penser que cela aura un impact, les meilleurs financiers vous diront que le Brexit est déjà pricé, c’est-à-dire qu’il est déjà intégré dans le « prix » du taux de change. Il faut dire que cette dernière explication est très plausible puisque c’est à la suite de la victoire des Conservateurs lors des élections législatives de 2015 qu’un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne se fait plus probable, date du début de ce corridor.
1. Paris : place financière renforcée
Le Brexit condamne la place financière de Londres et limitera les transactions financières entre cette place financière et les nombreuses autres places financières européennes. Depuis des décennies, Londres en tant que place financière à complètement centralisé les transactions mondiales, mais aussi et surtout européennes. La City contrôle plus d’un tiers du marché des devises et environs un cinquième des prêts internationaux passent par les 250 banques originaires de 60 pays installées à Londres. Parmi ces banques, parmi ces transactions, parmi ces échanges, une grande partie provient des autres pays de l’Union Européenne, notamment des deux grandes économies européennes : la France et l’Allemagne. Paris, via le resserrement inéluctable des barrières économiques et financières qui sera engendré par ce Brexit, pourra profiter d’un afflux massif de capitaux, une hausse des volumes, et pourquoi pas : un retour de ses banques sur la place financière parisienne. Car le Brexit, c’est un protectionnisme. Et il impactera indéniablement les banques Françaises et Allemandes installées à Londres. A l’Etat Français de profiter, des maintenant, de ce choc positif, en facilitant les transitions.
2. L’Euro : une monnaie renforcée
Le Royaume-Uni n’est pas membre de la Zone Euro, mais sa sortie de l’Union Européenne augmentera les barrières commerciales. Cela renforcera la Livres Sterling, toutes choses égales par ailleurs, mais on le sait maintenant, les flux monétaires sortant, qui ne sont pas inhérents à ces modifications douanières, auront tendance à l’emporter, poussant la Livre Sterling à perdre de sa valeur (au 24 Juin 2016, l’EUR/GBP est au plus haut depuis Mai 2014). Par contre, avec le gendarme Allemand, qui soutient depuis toujours l’Euro comme monnaie forte, et avec cette hausse des barrières commerciales chez l’un de ses meilleurs acheteurs, la Zone Euro continuera à vendre à la Grande Bretagne mais la Grande Bretagne vendra moins aux pays de la Zone Euro. En conséquence, l’Euro sera plus acheté et moins vendu, renforçant la monnaie européenne, et augmentant à terme sa crédibilité. Quid de la stabilité ?
3. Union Européenne : une prise de conscience
L’Union Européenne prend conscience petit à petit des risques et des instabilités inhérents à une première sortie d’un pays. Concernant l’Union politique et commerciale, cela risque de faire boule de neige. Un peu comme au resto quand personne n’ose dire le premier que c’est dégueulasse mais une fois qu’un a osé le dire, tout le monde se sent libéré.
Concernant les pays de la Zone Euro, idem. Les autorités européennes seront donc contraintes de renforcer ces unions afin que d’autres pays ne soient pas tentés de partir à l’anglaise. Prendre conscience, cela a du bon. Et cela renforcera à terme, si cette prise de conscience est effective et suivie de résultats concrets, la stabilité de l’Union Européenne, de la Zone Euro et de sa monnaie. La France ne peut qu’en sortir grandie, si les politiques Français suivent le même processus constructif de prise de conscience.
4. Décisions européennes : plus de poids
Avant, c’était le trinôme Royaume-Uni, Allemagne et France qui décidait pour l’Europe. Maintenant, la France se retrouvera seule avec l’Allemagne pour décider et construire cette Europe. La France gagnera du pouvoir, profitera d’une autorité accrue, mais saura-t-elle en profiter de manière optimale ? Telle est la question. Cependant, les faits sont là : à la France et à ses politiques de saisir cette opportunité.
5. Retour des cerveaux : retour à Paris ?
Plus de 300000 français vivent en Angleterre, plus particulièrement à Londres. Ils sont diplômés, pour la plupart d’instituts de formation français, et possèdent un savoir-faire que peu de gens sur le sol Français possèdent, notamment en Finance. Que Paris en tant que place financière se développe en profitant de ce choc ou non, beaucoup de ces expatriés seront contraints au retour en France. Des jeunes pour la plupart, éduqués et qualifiés, pourront booster une économie à la traîne, vivifier à nouveau l’économie Française en générale, et le monde de la Finance en particulier. Mais pas que : les traders, les sales, et autres quant sont flexibles : ils peuvent enseigner les mathématiques à un haut niveau, participer à des projets entrepreneuriaux, renforcer le venture capital français, ou même ouvrir une entreprise qui n’a rien à voir avec la finance, mais qui réussira.
Je déplore le Brexit, mais j’ai toujours été du genre à voire le verre à moitié plein, et à tirer mon épingle du jeu.
Noémie